Naissance en 1926 à Undervelier (Jura Suisse). Presque un village. Une nature sauvage, à portée de regards et d’escapades : montagnes, torrents, gorges aux milles sources. Peu d’ouverture culturelle : un pére épicier, un oncle curé, un autre marchand de chevaux.
La nature compense et le hasard parfois aussi, tels ces trois étudiants surpris, un jour, à « croquer » le paysage. Est fasciné ! C’est ça qu’il veut !
École de dessin en publicité à Lausanne : c’est mieux que l’épicerie !
PARIS : 1947, 21ans. Une urgence : découvrir la mer, il part à pied pour la Bretagne ; troc des aquarelles contre des nuits dans des granges.
Le quartier Mouffetard qu’il adore. La galère : toutes sortes de petits boulots ; aide de Claudine, instit, qui deviendra son épouse. Mais surtout les Beaux Arts, l’Académie de la Grande Chaumière et sa première exposition, Galerie Barreiro, rue de Seine.
Installation dans le 13ème à La Butte aux Cailles. Pour la première fois un atelier à lui, qu’il gardera 30 ans ! Suit une période d’intense création. Nombreuses expos. Intégration au monde des artistes.
1968, un coup de foudre : une maison dans le val de Loire, juste au bord de l’eau, mieux que dans les rêves !, de la place, de la beauté, et une lumière, des nuances de couleurs qu’il n’a jamais connues.
De nombreuses années d’une vitalité extrême, de créations et de recherches, de bonheur et d’amitié. L’éclosion d’un style différent.
Et puis 20 ans plus tard, catastrophe : doit quitter Paris et en même temps, perd sa maison de la Loire, déclarée en zone inondable et qui sera détruite.
« S’exile » à Aubervilliers. Il y a un atelier, c’est l’essentiel ; le reste, son atmosphère, il l’a recrée. Et toujours la peinture et les amis.
1997, nouvelle épreuve : un jour, son épouse ne se réveille pas. Cette fois, il cesse de peindre, sauf une toile : » A Claudine » ; Certains ont souhaité l’acquérir : « non, pas celle-ci ! »
Résilience personnelle et amis aidants, nouvelle installation , à Maillot prés de Sens. Là, vit une amoureuse de l’art contemporain -et artiste elle même-, Geneviève Thévenot. Elle connaît et aime la peinture de Michel Humair. Elle lui a offert des expositions à « La Galerie » qu’elle anime, rue saint André des Arts et à Maillot à « Le Temps de voir » pour des expos collectives d’artistes devenus des amis ; et ça continuera : les rencontres, l’art, une famille adoptive.
Une nouvelle fois le peintre s’installe : un atelier dans le grenier : « le plus beau que j’ai jamais eu ! », une grange, des dépendances, un espace d’exposition, une grande glycine et un superbe magnolia et plus loin les bords de l’Yonne – « Ce n’est pas la Loire mais tout de même ! » – il y transporte aussi ses fétiches car il aime les objets du quotidien, le bel ouvrage : ainsi de ses collections d’outils anciens et de poteries en terre vernissée.
2006 : exposition au Musée de Sens pour ses 80 ans.
La ferveur de peindre toujours, stimulée par des voyages : croisières en Russie et en Égypte, Venise , la Bretagne . De superbes œuvres en témoigneront.
Dernières années en Seine et Marne où il peut vivre en toute sécurité. Encore un atelier, plus modeste certes, mais un grand bout de ciel, les arbres de la forêt et les bords de Seine.
23 avril 2016, 90 ans : ses amis autour de lui à Cesson.
Peindra jusqu’au bout ; au matin, la veille du dernier jour, dira : « j’ai voulu monter à l’atelier, mais j’ai senti que je n’y arriverai pas. »
23 février 2019 : une lumière s’éteint.
Michel Humair aimait beaucoup Trenet qu’il savait interpréter avec beaucoup d’émotion, et on le sait bien : « Longtemps, longtemps, longtemps après que les poètes aient disparus… », de même des peintres, leurs œuvres restent, témoins de leur talent, de leur sensibilité, de leur authenticité. Elles nous restituent un peu de la beauté du monde et poussent les murs de nos étroites vies.
M. P